En s’intéressant aux représentations de la ville future, PARVIS s’inscrit dans le cœur de projet de l’I-Site FUTURE, et touche à ses différents défis (voir 1. Ambitions). Par rapport aux dynamiques actuelles de la recherche en lettres et arts, PARVIS se positionne de façon triplement innovante :
- en décloisonnant les corpus de littérature, fictions de genre et cultures médiatiques, ainsi que les méthodes d’analyse et de réflexion.
- en promouvant une démarche de recherche-création.
- en accordant une place majeure aux intérêts et aux objectifs des acteurs civils.
Dans les disciplines littéraires, la ville est une question ancienne de la littérature comparée, de la critique thématique et de l’histoire littéraire (notions de capitales littéraires, de ville comme personnage à part entière, de narration chorale ; motifs de de la flânerie, modernité selon Baudelaire et Benjamin). Comme dans tous les autres secteurs de la critique thématique, l’étude littéraire de la ville a migré vers études culturelles désormais dominantes, qui se consacrent aux problématiques du p/matrimoine, de l’aménagement, de la médiation-insertion (Lehan, 1998 ; Tambling, 2016 ; Charley, 2018). Les imaginaires littéraires y sont encore peu exploités et lorsqu’ils le sont c’est en se soumettant aux clivages de valeur entre littérature de genre (comme la SF) et haute littérature générale (Menegaldo, 2007). Un groupement récent (Association for Literary Urban Studies, Finlande) fait une place à la littérature futuriste. Mike Davis (1990 ; 2006) est l’un des seuls à s’être appuyé sur un corpus de SF.
Au sein de la science-fiction, la climate fiction est un sous-genre d’apparition récente. Les travaux académiques pionniers sont ceux de la revue Science Fiction Studies (2018), partenaire du projet. L’afrofuturisme dispose quant à lui d’un corpus critique en langue anglaise (Womack, 2013) encore quasi inexistant en français ; G. Dupetit est pionnier dans ce domaine avec sa thèse (2013).
Le paradigme de la recherche-création, désormais bien ancré dans le paysage universitaire nord-américain par le biais de ses célèbres formations de creative writing, émerge peu à peu en France. Cela résulte en partie de l’intégration des écoles d’art dans le système LMD, de l’ouverture de Master et de doctorats de création littéraire dans les universités (Universités de Paris 8, de Cergy, du Havre, d’Aix-Marseille…) ainsi que du rapprochement nécessaire des sphères de la recherche et de la création artistique dans l’optique d’un enrichissement mutuel. Cela donne lieu à de nouveaux modes de production des connaissances, qui induisent des expérimentations et des innovations méthodologiques, qui rencontrent bien l’exigence de plus en plus forte de l’interdisciplinarité des projets de recherche (Bianchini, 2009). Le format le plus connu de recherche-création est celui des nouveaux mémoires fondés sur la production parallèle d’une création et d’un texte théorique produit par son créateur, qui analyse les processus de création de son œuvre. Le modèle que nous souhaitons expérimenter se déploie à une échelle plus ambitieuse. En littérature, il s’inspire par exemple de l’expérience du Launch Pad workshop (atelier de création financé par la NASA), dont une participante, N.K. Jemisin, a récemment pulvérisé les records du prix Hugo (le plus important prix de SF dans le monde) avec la trilogie The Broken Earth.
Les acteurs de la société civile (ONG, entreprises, agences étatiques, etc…) sont nombreux à s’emparer des codes de la pop culture en général et de la science-fiction en particulier pour créer des communications et des contenus n’appartenant pas à un registre moralisateur sur les questions environnementales et climatiques. Leur but est à la fois de pouvoir profiter d’un référentiel culturel partagé et d’en appeler aux émotions attachées à ces imaginaires ludiques. Selon Moser (2007), à propos du changement climatique, « une vision engageante et moralement attrayante doit progressivement être construite. »
Le champ des « urban studies » a intégré depuis quelques décennies les discours sur la ville, qu’ils soient parlés ou écrits. D’ambitieux travaux lexicographiques (Topalov, 2010) font désormais place à une perspective élargie à la mise en contexte dans des discours constitués, savants ou non (Filiakov, 2017). Le propos sera ici centré sur un corpus plus rarement exploré dans le domaine, celui des supports promotionnels ou de vulgarisation. Ils seront examinés avec les outils de la linguistique praxématique et plus particulièrement de l’analyse du discours (Maingueneau, 1998, 2014), en gardant toujours à l’esprit l’importance de la dimension visuelle (dessins, maquettes, films d’animation) du propos. En architecture et en géographie, les écrits et les images sont à la fois les vecteurs classiques de diffusion des connaissances, mais également un matériau privilégié pour l’approche comparative et le recueil. Le matériau produit par les aménageurs et les promoteurs à différentes étapes de la réalisation des projets, depuis les documents d’urbanisme jusqu’à la plaquette de commercialisation d’un immeuble permet de révéler les stratégies et tensions des différents acteurs, mais également les contradictions internes des injonctions du développement durale, et l’écart entre ces injonctions et les modes de vie des français.
Dans la discipline architecturale, le futur urbain se décline en visions superposées sinon contradictoires : les projets des Métabolistes japonais des années 60 (Rouillard, 2004) restent porteurs d’un imaginaire attaché au progrès technique et industriel, pendant que les images dystopiques produites par Superstudio (Lang, 2003) dans la décennie suivante gardent une portée critique forte pour la ville « telle qu’elle va » (Koolhaas, 2011). De nouveaux idéaux, de nouvelles quêtes s’imposent, liées à la ville verte, participative et événementielle. La construction mondiale et (désormais) parisienne de tours régénèrent la modernité de la verticalité en assurant sa réputation environnementale par du greenwashing actif (Ferrari, 2016). Globalement, l’imaginaire du futur urbain continue d’être attaché à la face dorée du monde (Davis, 2006, 2007), les villes consommant des images vendeuses, promesses d’innovations mondialisables. Mais les architectes cherchent toujours leur place entre la commande et la critique ou transformation des systèmes de production de l’urbain. Aussi, l’intérêt pour la ville horizontale, pauvre ou modeste constitue le lieu de recherches (re)naissantes susceptibles de faire naître de nouvelles représentations sociales de la ville pauvre. Les questions historiques posées par ceux qu’on appelle aujourd’hui les migrants et les recherches toutes disciplines confondues sur leurs conditions d’accueil apportent de l’eau à une vision qui ne lirait plus seulement la ville informelle comme l’envers d’un décor peuplé de victimes mais peut-être comme un lieu de résilience et d’énergie (Agier, 2016 ; Saunders, 2012). De ce point de vue, les représentations sociales qui opposent les villes dites du Sud et celles des pays occidentaux sont moins prépondérantes aujourd’hui (Jaglin, 2016). C’est peut-être hors d’Europe, à travers les projets de d’Urban think tank à Caracas ou de Teddy Cruz à Tijuana, et plus encore peut-être en Afrique du nord ou subsaharienne (projets portés par les habitants, avec l’aide technique d’architecte et d’ingénieurs) que se déploient aujourd’hui les projets les plus neufs sur la ville horizontale informelle, susceptibles de régénérer et diversifier l’ imaginaire des futurs urbains.
La cartographie traditionnelle occidentale s’appuie sur la description d’une réalité physique modélisée à travers des repères physiques et hiérarchisés (zones administratives, chefs-lieux, bâtiments, routes, hydrographie, toponymie normée, etc.) et vise à une forme d’exhaustivité. Cette représentation ne rend pas compte du ressenti des usagers de l’espace cartographié. A l’inverse, la cartographie dite sensible donne la possibilité à un individu ou un groupe de représenter des repères spatialisés significatifs parce qu’ils sont traversés, habités, occupés. Les cartes sensibles représentent ainsi une territorialité et un espace perçus et vécus qui diffèrent selon les acteurs, leurs personnalités et leurs histoires : cartographies autochtones du pays mapuche (Hirt, 2009), construction collaborative du récit du Grand Paris (http: // mongrandparis. en /), représentation de l’ambiance sonore de la ville (Brayer, Laroche, 2016). De nouvelles solutions de représentation sont alors créées pour rendre compte de ces expériences perceptives des lieux, par exemple celles à base de textile (Olmedo, 2016) ou d’argile (Mekdjian, Amilhat Szary, 2015). Ces représentations insistent plus sur les relations entre les lieux et leur caractérisation (danger, faim, soins médicaux, peur, mort, etc.) que sur leur localisation, leur frontière et leurs limites géométriques.
REFERENCES CITEES
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